Bientôt finies les pénibles endoscopies ? Un appareil photo miniature qui s’avale comme une pilule permet désormais de capter des images de la paroi de l’œsophage, en 3D. Un moyen inédit d’évaluer les risques de cancer de cet organe chez des personnes souffrant d’un œsophage de Barrett. Quelques minutes suffisent avec ce nouveau procédé, mais, encore expérimental, il devra être perfectionné.
Les remontées acides sont le plus souvent presque anodines. Pourtant, quand ces reflux gastro-œsophagiens deviennent chroniques,
le corps peut s’adapter. Ainsi, les cellules du bas de l’œsophage se
transforment et prennent l’apparence de celles retrouvées dans
l’intestin, plus tolérantes aux pH faibles. Cette anormalité est appelée
« œsophage de Barrett ». Environ 1 % des patients atteints de ce
trouble déclarent par la suite un cancer.
Pour diagnostiquer la maladie, les médecins pratiquent une endoscopie, un traitement lourd nécessitant parfois l’anesthésie
du patient. Cela demande donc de la pratique, de l’équipement et du
temps. Le prélèvement d’un peu de tissu permet ensuite de déterminer si
une tumeur est apparue.
Face à ces contraintes, des chercheurs du Massachusetts General Hospital
(Boston, États-Unis) ont décidé de proposer un système plus avantageux.
Ils ont développé un appareil photo miniature, de la taille d’une
petite pièce de monnaie, qui s’avale comme une pilule. Leurs premiers résultats, publiés dans Nature Medicine, semblent prometteurs, même si la technique connaît certaines limites.
Cette
image du dispositif permet d’apprécier la taille de l'appareil photo,
semblable à une – grosse – pilule, et le câble qui le relie à un ordinateur pour interpréter les informations reçues. © Michalina Gora, Kevin Gallagher, Wellman Center for Photomedicine, Massachusetts General Hospital
L’œsophage pris en 3D sous tous les angles
L’outil se compose d’une enveloppe plastique transparente à l’intérieur de laquelle se trouvent un émetteur laser et des capteurs. Le tout est relié, par un câble, à une console fournissant les images aux médecins. Une fois avalé par le patient grâce à un verre d’eau, le dispositif entre dans l’œsophage et profite des contractions musculaires naturelles pour descendre.
L’imagerie repose sur le même principe que les ultrasons, mais cette fois avec la lumière proche du spectre infrarouge. Un rayonnement laser est envoyé, puis se divise en deux grâce à un jeu de miroirs.
L’un de ces flux lumineux est envoyé vers un capteur et fait office de
témoin. Le second est dirigé vers les tissus, sur une région aussi fine
qu’un cheveu, avant d’être réfléchi et réceptionné par un autre
détecteur. La différence de signal est interprétée et traduite en images
microscopiques de la paroi de l’œsophage, elle-même observée en détail
jusqu’à dix micromètres
(µm) de profondeur. Empilés les uns sur les autres, ces clichés
fournissent une représentation tridimensionnelle de la région sondée.
Détecter un œsophage de Barrett sans endoscopie
Testé sur 13 volontaires, dont 6 atteints par
l’œsophage de Barrett, le dispositif n’a besoin que d’une minute pour
traverser cet organe et arriver à l’entrée de l’estomac.
Grâce au câble, l’appareil photo peut être remonté, permettant de
nouvelles prises de vue. En tout, les auteurs ont réalisé quatre
passages, ce qui a duré seulement six minutes. C’est 15 fois moins de
temps qu’une endoscopie !
La technique présente d’autres avantages : elle ne nécessite pas d’anesthésie,
n’exige aucun matériel sophistiqué, ni médecin spécifiquement formé en
endoscopie. Un procédé pratique et de plus peu coûteux, à la portée des
spécialistes.
L’endoscopie parfois inévitable
La qualité des images est bonne. D’après les
auteurs, elle est même excellente. À l’origine, ils s’inquiétaient d’un
éventuel manque de qualité des clichés, dû à la petite taille du
dispositif. Des craintes qui s’avérèrent infondées, l’œsophage
l’enserrant bien tout au long du parcours.
Grâce à un tel outil, les chercheurs espèrent
diagnostiquer plus rapidement les personnes atteintes d’un œsophage de
Barrett, trouble ne laissant apparaître que peu de symptômes. Les patients pourraient alors disposer d’un meilleur suivi et d’une prise en charge rapide si un cas de cancer était révélén avec l'objectif d'améliorer leurs chances de survie.
Cependant, il reste à apporter quelques améliorations, car l’appareil ne détecte ni les dysplasies ni les changements induisant le stade précancéreux. Seule une endoscopie, complétée par une biopsie, le peut. Pour les patients à risques, l’endoscopie demeure donc encore inévitable.
Cet
appareil photo 3D produit des clichés de qualité de l'intérieur de
l'œsophage. Ce n'est pourtant pas encore suffisant pour détecter
l'apparition de cellules cancéreuses. Par ailleurs, l'outil pourrait
aussi être utilisé pour d'autres observations. © Michalina Gora, Kevin
Gallagher, Wellman Center for Photomedicine, Massachusetts General Hospital